
À l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, échange avec Josef Schovanec, diplômé de Sciences Po Paris, docteur en philosophie, membre du Conseil de la CNSA depuis 2017.
Vous dites parfois que « le monde est un peu un cirque ». Selon vous, comment la société - ce cirque - doit-elle s’adapter pour mieux accepter les personnes avec autisme ?
La mise en accessibilité de la société à l'autisme est tout aussi nécessaire et sérieuse que celle relative à d'autres handicaps. Il est au demeurant assez surprenant que l'autisme, ainsi que d'autres handicaps moins canoniques, ne soient pour ainsi dire pas même envisagés dans les divers projets relatifs à l'accessibilité. Pourtant, en particulier dans le cas des établissements médico-sociaux, dont pour ainsi dire aucun n'a été conçu en ayant à l'esprit le profil autistique, l'accessibilité universelle est un impératif vital.
Comment définissez-vous votre rôle dans tout cela : militant ? personne experte ?
Je ne suis qu'un simple saltimbanque de l'autisme, tombé là, car naguère il n'y avait quasiment aucun adulte autiste francophone en mesure de faire du militantisme - à vrai dire, on m'a brutalisé à mes débuts, et c'est ainsi que j'ai tout appris, depuis prendre le train jusqu'à manger dans un restaurant et saluer les hommes politiques en flattant leur vanité (certes, j'évite désormais ces derniers). Je n'ai aucun diplôme ni formation en matière d'autisme - mes études étaient dans un autre domaine, que j'ai sacrifié, de même que ce qui devait être ma carrière.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer en cette journée de sensibilisation à l’autisme ?
Qu'il est loin le temps où, un 2 avril des années en arrière, je me sentais un peu seul derrière une table, dans une rue de Paris. Les combats pour les causes les plus ignorées et désespérées peuvent amener des résultats bien au-delà des espérances. Ceci étant, beaucoup de développements sombres récents dans l'autisme n'ont pas été anticipés. Le combat pour les droits ne fait sans doute que commencer.
Vous êtes membre du Conseil de la CNSA depuis octobre 2017. Qu’attendiez-vous de ce mandat ?
Je n'attendais rien du mandat pour la bonne et simple raison que je n'avais pas demandé à l'exercer. Au-delà des détails administratifs, il me donne à réfléchir sur la notion de représentation et, plus largement, de démocratie dans le domaine de la différence et du handicap. Une bonne surprise aura été de pouvoir m'impliquer, au moins symboliquement, sur la question du vieillissement, un sujet qui me travaille beaucoup, tant sur le plan personnel que sur le plan militant : par quelle étrange aberration n'entend-on jamais parler de l'autisme chez les seniors ? Pourtant, il y aurait bien des choses à dire et surtout à faire en la matière.
Références bibliographiques
- Rapport sur le devenir professionnel des personnes autistes remis à Ségolène Neuville, mars 2017 (PDF, 1.11 Mo)
- Voyages en Autistan : Chroniques des Carnets du monde, Josef Schovanec, Plon, 2016,
- De l’amour en Austistan, Josef Schovanec, Plon, 2015,
- Éloge du voyage à l'usage des autistes et de ceux qui ne le sont pas assez, Josef Schovanec, Plon, 2014,
- Je suis à l’est, Josef Schovanec, Plon, 2012,